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Et c’est un vieux pays, la France, qui vous le dit aujourd’hui

"...Et c’est un vieux pays, la France, un vieux continent comme le mien, l’Europe, qui vous le dit aujourd’hui, qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie. Un pays qui n’oublie pas et qui sait tout ce qu’il doit aux combattants de la liberté venus d’Amérique et d’ailleurs....".

14 février 2003, le Ministre des Affaires Étrangères, Dominique de Villepin sous l'impulsion du Président Jacques Chirac vient de faire un discours retentissant à l'ONU, au nom de la France contre le conflit en Irak qui s'annonçait.

Les attentats du World Trade Center avaient eu lieu 18 mois plus tôt.

Ce discours, aux États Unis, provoqua la colère et les critiques des médias essentiellement Républicains, plaçant la France dans le rang des non-amis de l'Amérique. Les "French Fries" avaient été débaptisées de restaurants va-t-en-guerre pour devenir "Liberty Fries" et des images de centaines de bouteilles de Bordeaux versées dans les caniveaux, firent la Une des News!!.

19 FÉVRIER 2003 HOUSTON

Mon équipage est hébergé, à Houston, capitale mondiale du Pétrole, dans un très bel hotel non loin d'une zone résidentielle huppée, où réside notamment l'ancien président des États Unis, Georges Bush, père de l'actuel président Georges Walker Bush. Avant notre arrivée à l'hôtel, le Commandant de Bord nous fait un rapide briefing à bord de la navette: "L'hôtel accueillera pour quelques jours, une convention de professionnels des industries du pétrole et avec le ressentiment antifrançais depuis le discours de De Villepin, il Nous est conseillé par la Compagnie Aérienne de faire "profil bas". Nous raserons donc les murs!!"

C'est au milieu d'une foule de plusieurs centaines de "Oilers", les participants de cette convention, que nous devons nous frayer un chemin vers la réception de l'hôtel. Nous sommes en ligne avec nos bagages et la colonne fend la foule.

Comment reconnaître un "Oiler" à Houston?

  • Cela ne peut être qu'un homme car le Pétrole est un Univers Impitoyable.
  • Il est Républicain.
  • Il porte des chemises, T-shirt ou casquette portant le logo de son entreprise, puisqu'il est fier d'appartenir à cette industrie florissante essentiellement américaine qui dirige le monde. Sans oublier, d'énormes bagues et des montres de marque qui se doivent être voyante. Sans oublier les voitures aux réservoirs démesurés.
  • Et Texas oblige, les bottes, boucles de ceinture et chapeaux Stetson sont de rigueur.

Donc, nous traversons cette foule bruyante de cowboys qui nous regardent d'un œil défiant. Heureusement pour nous, nous sommes en milieu d'après midi et le bar et les alcools sont loin. Ce qui nous laissent espérer une attitude un peu plus civilisée de leur part. Nous récupérons nos chambres et nous nous donnons rendez-vous pour le petit déjeuner "corporate" du lendemain.

Le lendemain matin, nous sommes tous attablés dans la salle de restaurant. Une grande table nous est réservée. Elle est située sur le côté gauche de la salle, devant les grandes vitres qui donnent sur la rue. Elle est sur une plateforme d'une trentaine de mètres carres en hauteur surplombant les autres tables où sont installés des cowboys et il nous faut monter 3 marches pour l'atteindre. La tablée des 15 membres d'équipage est presque complète. Nous discutons de tout et de rien, faisant des allers-retours entre notre place et le somptueux buffet.

Je vois un "Oiler" se détacher d'un groupe dans le hall de la réception et s'approcher. Il fait plus d'un mètre quatre-vingts, il porte un chapeau à large bord de couleur "taupe". Une chemise blanche à manches longues. Un pantalon à pince foncé, presque noir qui est tenu par une boucle de ceinturon grosse comme une boîte de camembert. Dans le film "Mon nom est personne", Henri Fonda disait à Terence Hill, une réplique à propos de sacoches de selles ornées de pièces d'argent et remplies de dynamite qu'il devait viser: "Tu les reconnaîtras, elles brillent comme des armoires de bordel..." Et c'est le cas devant nous. Et afin de parfaire la panoplie, il est chaussé de véritables bottes de cowboy. Il porte un badge EXXON, l'une des plus grosses firmes de pétrole au monde. Un presque clone lui a emboîté le pas. Ils sont 2 maintenant à se diriger vers nous. La tablée s'est tue et nous attendons la volée d'insultes.

Avec un fort accent texan, il nous demande si nous sommes français. Il se passe un temps avant qu'une réponse sorte d'une bouche de la table. Et finalement c'est le commandant de bord qui répond par l'affirmative, mentionnant en plus que nous sommes un équipage de la Compagnie Aérienne. Contre toute attente, le visage du cowboy se barre d'un sourire, dévoilant un "mur de céramique blanche". Il tend sa grosse main vers le premier de la table tout en parlant à l'ensemble. Avec son fort accent texan, il nous dit que le discours qu'à fait " the French guy" à l'ONU était super et que nous devons être fiers car c'est nous qui avons raison. Que son gouvernement, n'est qu'un ramassis de "asshole"* ( en anglais dans le texte). Que l'Amérique allait bientôt revoir revenir des cercueils comme pendant la guerre du Vietnam. Tous les griefs et les angoisses y passent. Son collègue le suit et commence la tournée de poignée de main, silencieux. Puis une fois les contacts physiques terminés, ils nous remercient puis repartent comme ils sont venus. Nous restons stupéfaits de cet élan imprévu et pour certains dont moi-même, émus.

Ce discours authentique et bienveillant de ce visionnaire a finalement marqué les esprits des américains. Car les dangers et scénario annoncés à l'ONU se sont avérés malheureusement vrais. Tout comme les angoisses du cowboy concernant les retours des cercueils des GI's.

Les années passent...et 13 ans plus tard.....

09 SEPTEMBRE 2016 PARIS HONG-KONG.

Lorsque je prends en compte mon vol vers Hong Kong, je découvre à la lecture de la "Passengers Information List" que je vais avoir cet "Irrésistible Gaulliste". Je suis heureux de sa présence car je vais pouvoir remercier cet homme qui m'a permis il y a longtemps d'être vraiment fier de mon pays et ainsi lui raconter mon histoire.....

Au moment opportun, je lui demande si il peut m'accorder quelques minutes. Il accepte bien volontiers. Je lui demande s'il regrettait ce moment de grâce. Il me dit avoir vu le regard ému et appuyé de Kofi Annan, alors Secrétaire Général de l'ONU contrastant avec le regard de Colin Powell, Secrétaire d'Etat des Etats Unis qui était conscient de promouvoir une issue hasardeuse émanant d'un mensonge d'Etat. Il me dit avoir été à ce moment dans la volonté de convaincre, mais que finalement, la loi du Puissant a été la plus écoutée. Je lui demande aussi, s'il est bien évidemment conscient de la résonance de son discours au regard des événements actuels. Combien les choses aujourd'hui, seraient différentes si les mises en garde avaient été suivies à l'époque par nos amis américains, mais aussi par notre propre gouvernement quelques années plus tard.... Peut être n'en serions nous pas là, actuellement, à vivre dans un pays en état d'urgence, à lutter contre des terroristes de l'intérieur depuis presque 2 ans.

Il me dit que l'Occident a joué aux apprentis sorciers dans les pays arabes en voulant instaurer par la force, des démocraties. Les démocraties s'acquièrent par les peuples. Ce n'est pas un produit marketing avec une stratégie. Les renversements des dictateurs par la force, n'auront permis qu'une chose, fertiliser les terrains propices au terrorisme.

Il me confie craindre l'avenir pour la France, car en l'état, aucun homme politique et encore moins celui qui a déclenché l'anarchie en Libye, et apporter les djihadistes à notre porte, aucun parti ni programme ne possède la clé du problème. "Sans un homme providentiel avec un État fort à ses côtés, la crise existentielle et sécuritaire de la France ne fera que croître". Il me pronostique: "Je vous donne mon billet... dans 50 ans l'Europe historique vivra un raz-de-marée démographique défavorable, un bouleversement des équilibres religieux et un affaiblissement économique de l'Europe".

Malheureusement le train d'atterrissage vient de descendre annonçant notre atterrissage imminent et je dois retourner à mon siège.

A l'ouverture de ma porte, nous nous quittons par une poignée de mains franche et je me suis posé alors la question:

" Qui pourrait changer tout cela?"

* trou du cul.

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